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Relais pour la vie : des foulées contre le tabou du cancer


Lors du Relais pour la vie, les patients lancent le départ d’un week-end de partage et d’émotion avec le tour d’honneur des «Survivors».

La manifestation de solidarité se tient samedi et dimanche. Des milliers de coureurs se relaieront à la Coque pour fouler aux pieds la stigmatisation qui atteint les malades, dont quatre témoignent ici.

Chaque année, lors du Relais pour la vie, l’émotion et quelques larmes envahissent les couloirs d’athlétisme de la Coque, à Luxembourg, avant que les coureurs se lancent à cœur joie dans un ou plusieurs tours de piste. Organisé par la Fondation Cancer samedi et dimanche, l’événement est dédié aux malades, parmi lesquels certains prennent la parole afin de témoigner lors de la cérémonie d’ouverture, faisant se serrer quelques gorges avant qu’ils s’élancent, eux aussi, dans un tour d’honneur.

Après une édition 2023 marquée par un retour en présentiel, une affluence et une collecte record (791 078 euros), le cru 2024 devrait être aussi bon. Comme l’an passé, il y aura «plus de 13 000 coureurs et 500 équipes», se félicite Claudia Gaebel, responsable du département Information, communication et collecte de fonds de la Fondation Cancer. Parmi les équipes, 300 fouleront le sol de la Coque durant le relais de 48 heures, tandis que 212 équipes participeront à distance, en étant connectées. Après le traditionnel tour des «Survivors» s’élanceront les coureurs sur place et d’ailleurs, jusqu’à l’émouvante cérémonie des bougies qui clôturera le relais, dimanche à 17 h, par une minute de silence en hommage aux patients.

Des ateliers interactifs

«Cette année, la recette est la même que d’habitude, hormis les douze ateliers interactifs que l’on proposera dimanche sur la prévention du cancer», annonce la responsable. Une nouveauté importante tout de même, tant la prévention reste un enjeu important pour les personnes atteintes d’un cancer (lire ci-contre). «Le but est de briser le tabou et de montrer sa solidarité envers les patients, mais aussi leurs familles et leurs proches.» Au-delà de toucher le grand public, le Relais pour la vie souhaite aussi être un lieu d’accueil et de bienveillance pour les premiers concernés. «Il y avait une dame qui n’avait jamais osé mettre un t-shirt depuis qu’elle avait subi une mastectomie. Elle m’a dit qu’au Relais pour la vie, c’était la première fois qu’elle osait se montrer avec un sein en moins», se souvient Claudia Gaebel.

Toute l’année, la Fondation Cancer et ses 18 personnes œuvrent afin de soutenir les patients, en proposant des groupes de parole, une boîte à outils, du sport adapté, des consultations psychologiques gratuites et des consultations d’onco-diététique, d’onco-esthétique ou encore d’onco-sexologie. Afin de financer cette offre de bien-être, la Fondation compte notamment sur les dons et la visibilité du Relais pour la vie. «Beaucoup pensent que nous avons une convention avec le ministère, mais nous n’avons qu’un seul poste de conventionné. Nous finançons les 95 % restants avec les dons privés. Grâce à cela, tous nos services pour les patients sont gratuits.»

Cette année, une forte hausse de la demande d’assistance accroît d’autant l’importance des dons. En 2023, 2 477 consultations gratuites ont été réalisées, soit 40 % de plus qu’en 2022 (1 773). Inévitablement et «malheureusement, il y a actuellement une liste d’attente pour les thérapies».


Carole : «Douze ans après, le corps n'est plus le même»

«Je me suis tournée vers la Fondation Cancer parce qu’on y est bien entouré. J’y suis allée pour parler avec les psychologues, même pour ma fille, et ils étaient là pour nous soutenir. On pouvait pleurer, on pouvait rire, on pouvait tout faire.

Il y a beaucoup de gens qui ne comprennent pas ce qu’on est en train de subir. Quand une femme apprend qu’elle va perdre ses cheveux, beaucoup de gens veulent être là, mais ils ne comprennent pas ce qu’il se passe. Même pour l’entourage proche, c’est difficile. Certains m’ont dit : « Ne le prends pas mal, je ne supporte pas de te voir souffrir, donc si je ne te téléphone pas, ce n’est pas méchant, mais je n’arrive pas à accepter que tu aies la maladie ».

Peut-être qu’ils ne sont pas assez informés ou qu’ils craignent de dire quelque chose de mal. Pour moi aussi, c’était un choc quand on l’a appris au téléphone. C’était le pire choc que j’aie jamais eu. Quand il y a le téléphone qui sonne, on a l’impression que tout notre monde autour s’écroule, c’est horrible.

Mais il faut sensibiliser les gens à comment soutenir une personne malade. Même douze ans après, le corps n’est plus le même. Il a trop subi, c’est comme du poison qui a coulé dans mes veines. On le sent. J’ai un système immunitaire qui est plus faible. On est toujours dans un petit cercle vicieux.»

Carole Photo : dr

Chantal : «Je ne suis pas que la maladie»

«Au début, j’étais encore positive, je disais que je n’avais pas besoin de soutien. Tu cherches plutôt parmi ton entourage, mais très vite, il est submergé, donc tu dois toi-même chercher des soutiens à l’extérieur.

J’ai essayé sur Facebook de joindre un groupe de personnes qui ont le cancer du poumon. Mais, pour moi, c’était très effrayant parce qu’ils ne parlaient que de médicaments, de traitements, d’espérance de vie, et j’étais submergée. C’était trop, cela me faisait peur. Je cherche des choses plus positives que de parler des effets négatifs de la maladie. Je ne suis pas que la maladie, il faut trouver un équilibre plus sain.

Certains amis m’avaient quand même défendu d’en parler quand j’avais déjà des soupçons. Il ne fallait surtout pas dire ce gros mot et, au travail, la première chose qu’ils m’ont demandée, c’est : « Est-ce que tu veux qu’on soit discrets là-dessus? » J’ai dit : « Non, arrêtez le tabou! » Je ne peux rien pour cette maladie-là, c’est quelque chose qui m’est tombé dessus.

Moi aussi, quand ils ont parlé de tumeur, je disais : « De quoi ils parlent, je n’ai pas de cancer, je ne veux pas qu’ils prononcent ce mot ». Avant l’opération, on m’avait dit que dans neuf cas sur dix, c’était un cancer, alors je me suis dit que je serais le dixième cas, que j’allais me faire un tatouage « N° 10 ». J’étais sûre et j’avais déjà réfléchi parce que je me disais que je ne serais pas comme les neuf autres. Pourtant, je n’aime pas trop les tatouages, mais je trouvais cela amusant, et cela montre aussi que j’étais toujours en train de penser que cela ne me concernait pas.

Chantal Photo : dr

Kim : «Un grand travail de sensibilisation à faire»

Je peux dire que les gens ont peur du cancer. Certains ne veulent même pas savoir, parce qu’ils ne savent pas comment gérer. Puis j’ai eu des gens qui ont pleuré à ma place, sans savoir exactement pourquoi.

Depuis que j’ai réintégré la vie sociale, la vie professionnelle, je constate aussi une grande ignorance sur la manière de se comporter. Il y en a qui évitent complètement le sujet, qui font comme si de rien n’était, comme si cette année-là de votre vie n’avait pas eu lieu. Et puis, il y a une grande insensibilité aussi. J’ai entendu des commentaires assez ignorants, pas méchants.

Par exemple, quand certains vont fumer, j’entends : « Qui vient avec moi nourrir son cancer? », donc, quand on est à côté… Bon, on remet ses écouteurs et voilà. Ou d’autres qui disent : « Je préférais être mort qu’avoir un problème de voiture ».

Pour moi, il y a un grand travail de sensibilisation à faire pour le grand public. Mais pas au niveau pathétique, pour dire comment on le vit, comment ça se passe, qu’est-ce qu’on ressent et comment se comporter. Je pense que c’est lié au fait que, dans la société, nous ne sommes plus aptes à nous confronter à tout ce qui va de travers dans la vie, comme un deuil ou une maladie grave. On se dit que l’on doit être fort, que la vie doit être parfaite.

Pour autant, je ne parle pas avec d’autres patients, car j’ai une approche frontale de ma vie. Je ne veux pas rester coincée dans ces mauvais souvenirs du passé. Oui, ma vie a complètement changé, j’ai changé, mais il s’agit maintenant de savoir comment je peux reconstruire ma vie, comment je peux être heureuse.

Kim Photo : dr

Marie : «Montrer que l’on peut vivre avec un cancer»

Dès l’annonce du diagnostic, avec mon mari, on était un peu en panique. C’est une annonce toujours brutale, donc on se sent désœuvré, on ne sait pas trop ce qu’il faut faire. Le jour même, j’ai contacté la Fondation Cancer pour avoir de l’aide. Ils m’ont proposé un soutien psychologique, surtout pour parler de mes craintes et de la manière d’aborder les choses.

Comme je suis assez jeune par rapport à d’autres et que mon enfant avait 6 ans à ce moment-là, c’était une grosse question de savoir comment aborder le sujet avec lui.

Par rapport au grand public, aux proches et aux collègues de travail, il est toujours très compliqué d’expliquer son cancer. En tant que patient, on acquiert une expertise, mais les gens ne sont pas du tout au même niveau. Finalement, on parle beaucoup du cancer, mais c’est assez peu connu.

Quand j’ai dû expliquer que c’était une maladie chronique dont je ne guérirais pas, c’était encore plus difficile, parce qu’il y a encore des personnes qui me demandent quand le traitement sera fini, quand je guérirai. Mais non, cela n’arrivera pas.

Il faut aussi montrer que l’on peut vivre avec un cancer, avec des traitements qui ont énormément évolué. Il y a de la fatigue, des effets secondaires effectivement, et ce n’est pas toujours facile, mais on arrive à avoir une qualité de vie pas si mauvaise. C’est une question d’acceptation.

Marie Photo : dr